Selon les données de l'enquête nationale ENVEFF réalisée en 2000, une femme sur dix est victime de violences conjugales en France. En 2022, l'ONVFF a recensé 118 femmes tuées par leur (ex-)partenaire. Les violences conjugales sont une réalité qui touche un grand nombre de femmes. C'est dans ce contexte que le vendredi 31 mai 2024, nous avons organisé un webinaire sur le sujet des violences domestiques et de la responsabilité des entreprises. Lucile Dupuy Rober et moi-même Clémence Métivier, co-fondatrices d’Hally, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Anne-Thalia Crespo et Marie-Estelle Calmettes de l'association Droits d'Urgence, ainsi que Virginie Renon, référente Maladie & Handicap et correspondante Mixité et Diversité au Crédit Coopératif.
Ensemble, nous avons discuté sur les actions et initiatives que les entreprises peuvent mettre en place pour agir contre les violences conjugales en externe ou en interne autour de trois axes principaux :
Comprendre les enjeux des violences conjugales et où se situe la responsabilité des entreprises.
Explorer les actions concrètes que les entreprises peuvent entreprendre pour participer à la lutte contre ces violences et à l’aide aux victimes.
Répondre aux questions, échanger sur des bonnes pratiques qui ont pu être identifiées par les intervenantes ou les participant·es au webinaire.
Pour retrouver l'intégralité de notre webinaire, il est disponible sur notre compte LinkedIn via le lien suivant : https://www.linkedin.com/events/commentagirfaceauxviolencesconj7196899516334129152/theater/
Dans cet article, je vous propose de revenir sur les points forts abordés lors de notre webinaire, afin de donner aux entreprises les meilleures clés pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Avant tout, il est important de noter que les collègues de travail peuvent être dans beaucoup de cas le premier point de contact pour les victimes, il est donc nécessaire que les entreprises soient préparées à ce type de situations. En effet, 42% des victimes de violences domestiques ont partagé leurs difficultés avec leurs collègues ou leurs supérieur·es, selon une Étude de ’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH) - 2022.
Quelle légitimité ont les entreprises à s'investir du sujet des violences conjugales ?
"Le sujet des violences conjugales a investi le monde des entreprises depuis toujours." Lucile Dupuy Rober, Co-fondatrice et directrice des opérations chez Hally.
Une des premières questions à laquelle nous avons répondu lors de notre rencontre a été la légitimité des entreprises face aux violences conjugales. En effet, comme nous l'explique Lucile Dupuy Rober, on entend souvent que les entreprises ne devraient pas s’intéresser aux sujets dits “privés”, et c’est une question légitime, car la frontière entre la vie professionnelle et privé peut parfois s’avérer floue autant pour l’employeur que pour l’employé·e.
Mais, dans le cas des violences conjugales, il peut y avoir un impact sur la vie professionnelle pour les victimes et cela concerne directement les entreprises. Par ailleurs, dans certains cas, certain·es salarié·es en interne dans l’entreprise peuvent aussi signaler des personnes avec qui elles sont en couple et qui seraient violentes.
Et, si la personne violente fait partie de l’entreprise, la structure a la responsabilité de réagir et de faire une enquête pour déterminer si celle-ci a été violente dans d'autres cas. Les entreprises ont donc une responsabilité légale, mais également éthique et morale face aux violences conjugales.
Que peuvent faire les entreprises en interne concrètement sur ce sujet ?
L'exemple du Crédit Coopératif
"Il est indispensable que les entreprises s’engagent au-delà du respect de la loi. C’est aussi œuvrer pour un monde plus juste, plus durable, pour ses collaborateur·rices, ses équipes, mais aussi pour les générations futures."Virginie Renon, référente maladie & handicap, mixité et diversité au Crédit Coopératif
C'est ce que nous explique Virginie Renon, référente maladie & handicap, mixité et diversité au Crédit Coopératif, au sein du service Engagement et Inclusion. Elle a mis en place avec son équipe diverses actions pour lutter contre les violences conjugales en interne et accompagner les victimes et leur entourage professionnel. Voici ce qui a pu être mis en place au sein de sa structure et qui peut inspirer d'autres entreprises :
Une cellule de maintien en emploi :
Un travail en pluridisciplinarité pour réfléchir collectivement à des solutions.
L'accompagnement de situations individuelles avec la mise en place d'aménagements organisationnels.
Des dispositifs d'accompagnement :
Une assistante sociale pour un soutien direct.
Ma Bonne Fée : une plateforme offrant du contenu et l'accès à des experts et coachs de vie.
Une ligne d’écoute et de soutien anonyme et confidentielle.
Communication et sensibilisation :
Prises de parole internes et externes pour sensibiliser sur le sujet.
Mise à disposition de ressources utiles : un espace dédié sur l’intranet RH et un guide spécifique.
Ces différentes initiatives montrent que les entreprises peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre les violences conjugales, en offrant soutien et ressources à leurs collaborateur·trices, et en créant un environnement de travail inclusif et sécurisé.
Les entreprises ont aussi besoin des associations ! L'exemple de Droits d'Urgence
Les entreprises peuvent bénéficier du soutien des associations pour mieux gérer des situations complexes comme les violences conjugales, pour lesquelles il est crucial de se préparer. Un exemple pertinent est celui de Droits d'urgence, une association avec laquelle nous avons eu le plaisir d’échanger lors de notre webinaire. Créée en 1995, Droits d'urgence lutte contre l'exclusion en favorisant l'accès au droit des plus démunis. Parce que la rupture de droit est la principale cause de l'exclusion, Droits d'urgence mobilise des professionnel·les du droit, bénévoles et salarié·es, pour aller gratuitement au plus près des personnes en situation de précarité, les informer et les accompagner dans leur parcours administratif et juridique.
Depuis 18 ans, l’association travaille sur la question des violences conjugales avec trois niveaux d’action :
1 La sensibilisation : il est important que tout le monde, y compris les salarié·es, prenne conscience des violences conjugales et de la possibilité d’en être victime ou témoin. Droits d'urgence organise des campagnes de sensibilisation pour informer et éduquer le public sur ce sujet.
2 Formation : former les professionnel·les en entreprise, tel·les que les manageur·euses, directeurs·trices et assistant·es sociaux·ales, est essentiel. Ces formations permettent de mieux comprendre les signes de violences conjugales et de savoir comment orienter et rediriger les victimes vers des ressources externes adéquates.
3 RSE et engagement sociétal de l’entreprise : en intégrant la lutte contre les violences conjugales dans leur démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), les entreprises peuvent jouer un rôle actif dans le soutien des victimes. Cela renforce leur engagement sociétal et contribue à un environnement de travail plus sûr.
L'accompagnement des associations comme Droits d'urgence permet aux entreprises de disposer des outils nécessaires pour agir efficacement et soutenir leurs collaborateur·trices dans des situations de violences conjugales. Ces partenariats renforcent également l’impact social des entreprises, en leur permettant de s'engager concrètement pour un monde plus juste et solidaire.
Le réseau OneInThreeWomen
Une autre initiative qui peut aider les entreprises à s'engager contre les violences faites aux femmes est le réseau OneInThreeWomen, premier réseau européen d'entreprises engagées contre les violences conjugales et qui accompagne les structures dans cette lutte. Mais, concrètement, comment cela fonctionne ?
Les entreprises membres signent la Charte d’Engagement contre les violences conjugales. La Fondation FACE coordonne le réseau et aide les entreprises à atteindre les objectifs suivants :
Sensibiliser aux violences conjugales au sein des organisations et auprès des parties prenantes.
Mettre en place des politiques, outils, formations et processus pour les services RH et les équipes de management.
Encourager les salarié·e·s à s'exprimer librement et créer un environnement bienveillant pour les victimes.
Faciliter l'accès aux associations spécialisées pour soutenir les salarié·e·s victimes de violences.
Développer un réseau diversifié de parties prenantes pour collaborer sur ce sujet.
Mesurer l'impact des actions et partager les résultats avec les parties prenantes.
Les associations ont aussi besoin des entreprises
“On ne demande pas à l’entreprise de gérer les violences conjugales, mais d’apprendre à travailler avec les associations.” Anne-Thailia Crespo, coordinatrice du pôle Violences Conjugales chez Droits d'urgence
Comme expliqué par Anne-Thailia Crespo lors de notre webinaire, les associations ont besoin du soutien des entreprises pour lutter efficacement contre les violences conjugales. En effet, les employeurs peuvent repérer certains signes de violences, par exemple, beaucoup de femmes rentrent tôt chez elles pour éviter des conflits domestiques. D'autres signes à repérer pour les employeurs incluent l'absentéisme ou le présentéisme excessif. Il y a aussi des formes de violences invisibles, telles que les violences économiques, administratives et sexuelles. Et il est primordial que l’employeur puisse attester des violences qu’il a pu observer, notamment afin de faire avancer le processus judiciaire en cours ou futur de la victime.
Les entreprises doivent par ailleurs soutenir les associations qui travaillent quotidiennement sur ces sujets. Cela fait partie intégrante de leur engagement en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Un partenariat entre les entreprises privées et les associations peut créer un cercle vertueux, où les fondations d'entreprises soutiennent les initiatives des associations, et en retour, bénéficient de l'expertise et des ressources pour mieux accompagner leurs collaborateur·trices.
Et en externe, comment peuvent s'engager les entreprises ?
Les entreprises peuvent aussi jouer leur rôle en s'engageant dans des initiatives externes pour lutter contre les violences conjugales. Voici quelques exemples de partenariats public/privé et de démarches co-construites qui illustrent comment des entreprises peuvent apporter leur soutien à cette cause :
L'exemple de The Body Shop en 2021
En 2021, The Body Shop a utilisé ses magasins physiques et sa présence en ligne pour sensibiliser à la prévention des violences faites aux femmes, en collaboration avec La Fondation des Femmes. Cette initiative a inclus des affiches percutantes dans les vitrines, détournant le concept commercial du Black Friday pour mettre en lumière les chiffres alarmants des violences sexistes et sexuelles. Ces affiches étaient visibles dans 54 boutiques à travers la France du 23 au 29 novembre.
Parallèlement, The Body Shop s'est engagé à fournir à ses employé·es et client·es les ressources nécessaires pour faire face à ces situations. En France, pour la deuxième année consécutive, la marque a lancé une campagne en partenariat avec La Fondation des Femmes. Chaque achat effectué chez The Body Shop jusqu'au 31 décembre a contribué à un don final de 30 000 euros reversé à l'association. Cette contribution a financé la formation des bénévoles de la Fondation des Femmes ainsi que la création de nouvelles communautés de soutien à travers le pays.
L'exemple de Carrefour
Du 1er novembre 2023 au 31 mars 2024, Carrefour a lancé une campagne de soutien financier à l'organisme Solidarité Femmes, un réseau composé de 81 associations dédiées à l'accueil et à l'accompagnement des femmes victimes de violences. En préparation de la Journée Internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes le 25 novembre 2023, Carrefour a conçu, en collaboration avec Publicis Conseil, un dispositif visant à sensibiliser les client·es dans leur quotidien. Cette initiative se concrétise par un parcours d'achat en magasin, comprenant une campagne de collecte de dons sur les gels douche de la gamme Carrefour Soft, ainsi qu'une campagne de sensibilisation visible dans la presse.
L'exemple d’Engie
En 2021, pour la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, ENGIE a rejoint la lutte en partenariat avec le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Avec une base de 8 millions de foyers clients, ENGIE dispose d'un levier significatif pour sensibiliser un large public sur la question des violences faites aux femmes. ENGIE s'est engagé à mettre en avant, sur ses factures pendant un an, les numéros d'urgence essentiels pour les victimes : le 3919, le 17 et le 114.
Ces exemples montrent comment les entreprises peuvent s'engager activement dans la lutte contre les violences conjugales en collaborant avec des associations et des organismes publics. En intégrant ces actions dans leurs démarches RSE, elles contribuent à un impact social positif et soutiennent les victimes de violences conjugales. De la même manière, les partenariats public/privé permettent de co-construire des solutions durables et efficaces, renforçant ainsi l’engagement des entreprises pour une société plus juste et équitable.
Une lutte qui nous concerne toutes et tous
En fin de compte, il est important de retenir que la lutte contre les violences conjugales nécessite un engagement collectif et concerté. Le soutien actif des entreprises dans la lutte contre les violences conjugales n'est pas seulement une responsabilité morale, mais aussi une opportunité de contribuer à une société plus juste et équitable. En se mobilisant ensemble, entreprises et associations peuvent véritablement faire offrir un soutien vital aux victimes.
L'équipe d'Hally tiens particulièrement à remercier Anne-Thalia Crespo et Marie-Estelle Calmettes de l'association Droits d'Urgence, ainsi que Virginie Renon, référente Maladie & Handicap et correspondante Mixité et Diversité au Crédit Coopératif pour la participation à notre webinaire, un grand merci également à Lucile Dupuy Rober, notre co-fondatrice pour sa participation.
En tant que co-fondatrice d’Hally et directrice Communication & Expérience client·e, je suis là pour écouter vos besoins et vous accompagner dans vos projets et ainsi garantir des espaces sains, inclusifs, respectueux de tous et toutes. Pour entrer en contact avec moi, n’hésitez pas à cliquer sur le bouton ci-dessous et prendre rendez-vous !
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